Les Echos - Retraites : et pourquoi pas un régime unifié par points ?

Publié le par Soutien citoyen au Mouvement Démocrate (site non officiel)

lesechos.gif

Dans son discours du 25 septembre au 60e anniversaire de l'Agirc, le Premier ministre a « écarté fermement une idée agitée à chaque fois par tous ceux qui prétendent vouloir une vraie réforme », à savoir l'unification des multiples régimes de retraite par répartition et le recours à la formule des points - celle en usage à l'Agirc et à l'Arrco - en remplacement des annuités. Il est intéressant que, pour la première fois, un chef de gouvernement se sente obligé de se positionner par rapport à ce projet, aujourd'hui porté par Alain Madelin, François Bayrou, Laurence Parisot.

François Fillon a reconnu qu'un tel système aurait des avantages : il se piloterait plus facilement. Mais, a-t-il dit, l'architecture de nos retraites tient à notre histoire, on ne doit pas la bouleverser ; il existe un compromis entre les partenaires sociaux, gestionnaires des régimes par points, et l'Etat, responsable des régimes par annuités : le remettre en cause serait porter un coup fatal à la démocratie sociale ; les annuités permettent d'assouplir ce que le caractère contributif des points a de dur socialement ; et enfin, aucune étude n'ayant été entreprise en vue d'une telle transformation, il serait imprudent de s'y lancer.

Répondons à son argumentaire. Premièrement, le propre de toute réforme est de modifier des institutions que nous tenons de nos prédécesseurs. Pendant des siècles, la « retraite » a consisté en une prise en charge des parents âgés par leurs propres enfants ; peu d'institutions étaient aussi lourdes d'histoire que cette obligation alimentaire dont notre Code civil contient encore une forme résiduelle. Cela aurait-il dû dissuader Bismarck de créer les assurances sociales durant la décennie 1880 ?

Deuxièmement, en quoi un régime unifié par points remettrait-il en question la démocratie sociale ? Géré par les partenaires sociaux, qui ont largement fait leurs preuves à l'Agirc, à l'Arrco et dans toute une série de régimes complémentaires de travailleurs indépendants, ce régime serait au contraire la consécration de la démocratie sociale. Trop puissant pour être raisonnable, l'Etat a manifesté depuis soixante ans une fâcheuse tendance à faire le contraire de ce qu'il aurait fallu : pensons par exemple à la réforme dite « retraite à 60 ans », en l'absence de laquelle la situation financière des retraites serait encore florissante en France. Tenus, eux, de se conformer aux lois sans pouvoir les changer, les partenaires sociaux sont, quand ils portent leurs casquettes de gestionnaire, autrement moins démagogues.

Troisièmement, il est difficile de concevoir une technique plus génératrice d'inégalités de toutes sortes que celle des annuités. A contrario, le système de comptes notionnels (équivalent aux régimes français par points) dont la Suède s'est dotée, complété par une sorte de minimum vieillesse moins compliqué mais plus généreux que le nôtre, génère nettement moins d'injustices.

Le quatrième argument du chef du gouvernement est irrecevable, conformément à l'adage juridique selon lequel « nul ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude ». Car enfin, si les études d'impact et de faisabilité d'un passage aux points n'ont été menées que par des chercheurs isolés, ce n'est pas faute d'avoir alerté les hommes politiques. Ces études, lancez-les donc, Monsieur le Premier ministre, sinon, dans dix ans, en pleine déconfiture de notre système ingérable, on nous dira à nouveau que le passage aux points est exclu faute d'avoir été étudié !

JACQUES BICHOT est économiste, professeur à l'université Lyon-III
LES ECHOS - 09/10/07

Publié dans Dans les média

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article