L’Ecole, prise en otage

Publié le par Site du Mouvement Démocrate de l'Aube




Le 10 mars 2009, selon la presse nationale, « une vingtaine de personnes cagoulées et armées de barres de fer, bâtons et couteaux ont pénétré … dans un lycée professionnel de Gagny, en Seine-Saint-Denis. »
« …(Ils) ont fait irruption dans la salle de permanence, à la recherche d'un élève en particulier, selon le rectorat. »
Les professionnels de l’Education Nationale diront leur indignation. Ils renforceront une fois de plus « la coopération entre l'Éducation nationale, la police et la justice ». Les syndicats condamneront l’agression. Les professeurs et parents d’élèves de ce lycée de GAGNY crieront, et ils auront raison, que leur «lycée n’est pas comme ça ! ».

Le Ministre de l’Education Nationale l’a souligné à juste titre : il s’agit bien de «violences de quartiers, de règlements de comptes entre bandes (qui) viennent s’exercer dans des établissements scolaires ».
Il ne s’agit évidemment pas d’«une violence de l’école mais d’une violence qui vient à l’école». Une violence extérieure qui franchit la porte de l’Ecole, le matin, dès 8h.

Il n’y a pas de frontière étanche entre l’établissement scolaire et la rue qui passe devant la porte de l’école. Les enseignants et les chefs d’établissements le savent bien, qui le voient et le vivent au quotidien. Les enfants sont des élèves mais en même temps des jeunes habitant dans les quartiers voisins. Ils arrivent le matin à l’école avec, dans leur cartable et dans leur tête, leur vécu familial, leurs amours adolescentes, leurs problèmes de quartier. Certes, certaines régions, certaines villes, certains établissements scolaires sont touchés plus que d’autres par la violence scolaire. Mais partout, dans tous les collèges et les lycées, les adultes, quel que soit leur métier, peuvent dire qu’ils doivent faire face au quotidien à toutes sortes de « violences » de la part de leurs élèves et parfois même de certains parents d’élèves. Le secteur public est touché comme est touché le secteur privé. Tous les professionnels de l’enseignement le confirment.
Quel collège ou lycée de France, qu’il soit public ou privé, n’a pas vu un jour ou l’autre des adultes faire face à l’agressivité, aux insultes ou à l’insolence des élèves ? Croire que le phénomène se limite aux établissements publics serait une erreur. Le mal est profond.

 

Violence de l’Ecole ? Non, violence de société !

La lecture des commentaires rédigés dans les forums de discussion suite à l’article paru dans les différents organes de presse sur l’expédition punitive au lycée de GAGNY provoque le malaise. « Les jeunes sont ingérables, les parents ne sont pas à la hauteur, les immigrés sont les responsables, l’Ecole est inefficace, les enseignants sont coupables de laxisme, le modèle américain fait des ravages jusque chez nous, Mai 68 est à l’origine de la déliquescence ». Et l’on finit par réclamer le kärcher ou rendre le Président de la République responsable de la situation…

Mais aujourd’hui, disons le ! L’Ecole est souvent impuissante parce que le fossé se creuse entre elle et une société avec laquelle les valeurs et le discours ne sont plus partagés. Comment accepter par exemple que des téléphones portables sonnent ou que des SMS soient échangés pendant les cours ? Comment empêcher le matin, à 8h, dans la cour, cette bagarre entre deux élèves qui se sont insultés la veille au soir et pendant des heures sur MSN. Comment gérer le mal être de cette élève prise en photo à son insu et qui voit sa photo déformée circuler sur les Blogs des copains ? Comment « réveiller » cet élève qui somnole parce qu’il a regardé la télévision allumée dans sa chambre jusque deux heures du matin, et sans que le programme regardé soit contrôlé par les parents? Comment, comment, comment …?
L’Ecole a des objectifs légitimes de résultats. L’Ecole se veut encore un outil de progrès visant la réduction des inégalités sociales pour permettre la construction du citoyen et l’accès à l’emploi du plus grand nombre.
Mais comment l’Ecole pourrait-elle obtenir les résultats qu’on attend d’elle dans ce contexte?

« Mais que fait l’Ecole ? » …

Lorsque les choses vont mal, il faut bien trouver des responsables et pourquoi pas des coupables ! Alors on se tourne vers l’Ecole. « Mais que fait l’Ecole ? » « C’est la faute des profs ! » « On n’a qu’à punir ! » « Ils sont trop laxistes ! »

Non, l’Ecole n’est pas restée, ne reste pas inactive. L’Ecole sait qu’elle ne peut pas rester inactive face à ces coups de boutoir qui menacent son fonctionnement et par là même ses résultats : sanctions, conseils de discipline, rendez-vous avec les parents, projets citoyens, travail approfondi avec les structures partenariales, coopération avec la police et la justice, éducation à la citoyenneté par le sport, éducation à la santé, règlements intérieurs travaillés, retravaillés et retravaillés encore …
La liste est longue de ces projets que l’Ecole met en place encore et encore. Parce que l’Ecole ne baisse pas les bras et n’a jamais failli. Parce que les professionnels de l’Ecole ont à cœur d’aller au bout de leur mission qui consiste à former le citoyen et lui faciliter l’insertion dans la vie sociale et professionnelle.

L’Ecole et le mythe de Sisyphe


Aujourd’hui, l’Ecole est prise en otage. L’Ecole voudrait trouver les « mots  pour dire » qu’elle n’en peut plus de panser les « maux » de la société ; qu’elle souffre d’un sentiment d’injustice ; qu’elle est découragée du peu de cas qu’on fait de ses efforts quotidiens pour répondre aux attentes!

Car l’Ecole est aujourd’hui confrontée au mythe de Sisyphe. Elle se trouve face à une tâche interminable, un travail absurde, parce que toujours recommencé. Comme une mission de l’impossible que la société lui confie pour tenter d’échapper aux questions qu’elle devrait se poser.

L’Ecole, à elle seule, ne résoudra pas les problèmes.
On ne pourra jamais rendre un pneu neuf en collant des rustines encore et encore et sans s’avouer enfin que le pneu est usé et mérite d’être changé. Rendre l’Ecole responsable des difficultés que rencontrent certains jeunes aujourd’hui est injuste et stérile à la fois. Car on ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion indispensable pour répondre à deux questions : « Qu’est-ce qui fait que nous en sommes là ? » et « Quelles réponses efficaces pouvons-nous apporter ensemble pour corriger le phénomène? ». Car c’est l’affaire de tous !

Et après ce constat ?

On ne peut pas critiquer des réponses coercitives quand le Droit qui doit prévaloir en République a été bafoué. Le respect de la Loi est la condition nécessaire et absolue du bien vivre ensemble.
Mais se limiter à une politique de répression serait préjudiciable à terme pour de multiples raisons.

La jeunesse d’aujourd’hui souffre d’un réel déficit d’image mais n’est pas celle que les faits divers nous renvoient. Stigmatiser la jeunesse serait une erreur et une faute. Le savoir ou s’en convaincre est le préalable nécessaire à toute politique qui voudrait répondre à la problématique actuelle. Donner aux jeunes la place qui leur revient dans la société est sans doute l’une des clés de la réussite. Une véritable politique de la jeunesse facilitant l’embauche des jeunes dans l’entreprise, réclamant le respect des diplômes pour lesquels les jeunes ont travaillé, valorisant leurs réussites, un travail de fond pour les convaincre de s’engager et prendre des responsabilités, voilà qui serait de nature à donner toute sa place à une jeunesse qui se sent souvent laissée pour compte et qui attend impatiemment cette place qui lui revient.

Mais parallèlement, il est urgent de s’interroger sur la manière de « réapprendre à la société les règles du savoir vivre ensemble » ? Quelles politiques familiales faut-il mettre en place pour accompagner les parents dans la
transmission des règles indispensables à l’apprentissage de la vie en communauté ? Quel rôle social  l’entreprise peut-elle jouer pour contribuer à remettre sur les rails une société en perte de repères ? ….

Et en attendant les effets positifs de telles politiques, quelles dispositions prendre pour les établissements scolaires pour préserver la sérénité en interne tout en évitant que leurs murs d’enceinte soient surmontés de barbelés et les transforment en prisons ?

Marie Grafteaux Paillard
Vice présidente du Modem

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