François Bayrou : « Les Français veulent échapper au duel Sarkozy-Hollande »

Publié le par Site du Mouvement Démocrate de l'Aube

Publié le mercredi 14 décembre 2011 à 10H59 - Vu 576 fois

 

 En visite aujourd'hui dans l'Aube, le président du MoDem et candidat à l'élection présidentielle livre à l'Est-Éclair ses valeurs, ses perspectives et ses espoirs

 

 

François Bayrou, vous bénéficiez aujourd'hui de 13 % d'intentions de vote contre 6 à 8 % la semaine dernière. Comment expliquez-vous une montée aussi rapide dans les sondages ?

« Je pense que les Français attendent avec impatience un nouveau choix politique. Ils veulent échapper au duel annoncé entre Sarkozy et Hollande. Et en fait, ils ne veulent pas vraiment de l'un ni de l'autre. C'est peut-être aussi une bonne impression de la manière avec laquelle je suis entré en campagne, des valeurs que j'essaye d'exprimer et qui touchent les Français. Vous savez, aujourd'hui, les gens ne croient plus aux miracles et ils en ont assez des illusions, ce qui n'exclut pas l'espoir. Ils veulent surtout avoir la garantie que les efforts qu'on va leur demander seront justes et auront du sens. »

Quelles voix êtes-vous en train de fédérer ?

« Il existe un grand courant central qui s'est trouvé divisé au cours des années mais qui est en train de se regrouper. Cela correspond à l'attente d'un renouveau de la vie politique, au besoin de croire à quelque chose qui soit républicain, et qui s'imposerait aussi bien à l'UMP qu'au PS. »

Existe-t-il à votre sens un risque de 21 avril bis avec un Front national au second tour de l'élection présidentielle ?

« Ce risque peut exister si aucune autre solution n'est proposée que Sarkozy et Hollande, si rien ne devait permettre aux citoyens de trouver un chemin qui les intéresse et les motive. Aujourd'hui, 50 % des gens ne veulent ni de l'un ni de l'autre des deux favoris. Pour l'un, ils disent que ce n'est plus possible. Pour l'autre, ils trouvent trop d'ambiguïté, d'incertitude. »

Mais dans ces conditions, l'idée d'un gouvernement d'union nationale en France, comme vous le souhaitez, n'est-il pas utopique ?

« Un gouvernement d'union nationale sera nécessaire en tout état de cause pour sortir de la crise. Pour gouverner dans cette crise, il faudra que les citoyens aient la garantie que toutes les sensibilités républicaines sont prises en compte. Il s'agit de remettre les partis politiques à leur juste place, pas de les effacer. Il faut un président qui refonde les principes et oblige les partis à se rénover, à sortir de leur tour d'ivoire. »

Votre refus d'un retour à la retraite à 60 ans vous ferme-t-il les portes d'une entente avec la gauche ?

« Vous avez entendu hier que François Hollande lui-même a passé la marche arrière en disant qu'il ne reviendrait pas à la retraite à 60 ans pour tout le monde. Et il multiplie les conditions, les précautions. En fait, c'était une promesse illusoire, elle est déjà abandonnée. »

Est-ce que Dominique de Villepin risque de chasser des voix sur vos terres ?

« La guerre de Cent Ans qui existe entre les Sarkozystes et les Chiraquiens n'est pas mon affaire. Et je n'y comprends rien. »

François Hollande souhaite renégocier le récent accord de Bruxelles. Que pensez-vous de cet accord ? L'annonce de François Hollande est-elle sérieuse ?

« Non. Moi-même, je ne suis pas enchanté par cet accord. Il y avait deux questions essentielles. Il fallait tout d'abord répondre à l'exigence de discipline. On aurait dû la respecter depuis longtemps mais je rappelle que c'est Nicolas Sarkozy lui-même qui a fait sauter cette exigence en 2007. Que de temps perdu !

Autre exigence, une grande solidarité. Il s'agit de mettre un terme à la crise de confiance qui touche l'Europe. Une crise de confiance qui plane sur les dettes souveraines des pays de la zone euro. Nous avons besoin d'un scénario de refinancement des États à un taux raisonnable. Et dans ce cadre, la Banque centrale européenne doit intervenir. C'est elle qui doit permettre aux États endettés de retrouver des prêts remboursables à taux acceptables s'ils respectent un calendrier de réformes pour s'en sortir.

J'ajoute qu'il s'agit dans cet accord de la parole de la France et qu'elle nous engage. L'annonce qu'on va tout remettre en cause au moment de l'élection présidentielle n'est pas sérieuse. »

Le salut de la zone euro passe-t-il forcément par plus d'intégration et plus de fédéralisme ? Comment expliquez-vous la résistance des Français à l'égard de cette idée du fédéralisme ?

« Le mot fédéralisme est l'un des plus piégés qui existe. Pour les uns, le fédéralisme correspond à ce qui se passe en Suisse, c'est-à-dire très peu de pouvoir central et beaucoup de pouvoirs au plus près du terrain. Pour d'autres, c'est beaucoup de pouvoir au centre et peu sur le terrain. Je propose un mot pour éviter ce piège, et c'est le mot coopératif. Le principe bien connu, notamment dans le monde agricole, c'est de se mettre ensemble pour relever les défis communs en termes de commercialisation, d'achats… Mais aucun des membres de la coopérative ne perd son identité, ni sa souveraineté. Cela doit être vrai aussi au sein de l'Union européenne où chaque membre doit être respecté. Et puis il faut un président qui soit aussi un défenseur de l'intérêt général, qui soit élu au suffrage universel, avec une Commission européenne respectée. »

Se pose parfois en France la question de l'intégration de certaines communautés. Le droit de vote aux extracommunautaires auquel vous êtes favorable ne risque-t-il pas de mettre en question la laïcité dans notre pays ?

« Non, je pense que ce risque n'existe pas. La laïcité est un pilier central pour notre maison France. C'est un don extraordinaire de la France au monde, avec cette idée du vivre-ensemble, sur la base d'une même loi civile et du respect de l'autre. Cela ne peut être remis en question. »

Aux Aubois qui accueillent une centrale nucléaire et un centre de stockage de déchets, que leur dites-vous sur l'avenir du nucléaire en France ?

« Sur ce sujet, il faut trouver une énergie de transition de manière à atteindre le temps où les énergies renouvelables auront pris leur plein développement.

La grande question aujourd'hui, ne l'oublions pas, c'est le réchauffement climatique et les gaz à effet de serre. Il faut savoir que chaque Allemand émet chaque année dix tonnes de CO2, contre six tonnes pour les Français. La différence est sensible.

S'agissant de la question de la sécurité, deux éléments essentiels se posent : existe-t-il un disjoncteur qui permette d'interrompre le fonctionnement d'une centrale nucléaire en cas d'accident et qui permette le refroidissement ? Autre question majeure, prévoir un scénario de retraitement des déchets nucléaires à l'horizon de quelques générations. »

Quel message venez-vous transmettre aux Aubois au sein du Parc naturel de la forêt d'Orient ?

« Je viens évoquer les questions du patrimoine, de la nature, des espèces naturelles, du climat, de la biodiversité. Ce sont des questions centrales. Je suis persuadé qu'il existe une écologie humaniste et naturelle dont je veux être le défenseur. Non pas une idéologie, mais une manière d'organiser la vie ensemble sans régression pour notre quotidien. »

 

 Propos recueillis par Jean-François LAVILLE

Publié dans Dans l'Aube

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